Nous laissons derrière nous les somptueuses chutes d’Iguazu et rejoignons Buenos Aires. La capitale argentine se trouve 1300 kilomètres plus au sud et il faut compter environ 20 heures si on souhaite s’y rendre en car. Mais rassurez-vous, ces derniers s’avèrent étonnamment confortables. En optant pour l’option semi-couchette on peut profiter de la climatisation, de la télévision et même d’un plateau repas. En Argentine, la qualité des transports en commun est au rendez-vous lorsqu’il s’agit de parcourir de longues distances.
Quant à Buenos Aires, elle nous épate tout autant. Nous qui préférons habituellement les grands espaces aux métropoles, on se surprend à y rallonger notre séjour de quelques nuits. Celle que l’on surnomme ici le « petit Paris » est marquée par une organisation de quartiers qui la rend réellement insolite.
San Telmo, entre bien être et simplicité
C’est dans ce quartier populaire que nous déposons les sacs à dos à notre arrivée. Notre première promenade confirme les échos positifs que nous avons reçus à son sujet. On l’apprécie à sa juste valeur et dans les moindres détails ; qu’il s’agisse de son architecture, de sa végétalisation ou encore de ses œuvres de rue. On se réjouit de pouvoir prendre le temps de profiter de ces petites choses que l’on occulte bien trop souvent au quotidien.
Ici les distances se comptent en « quadras » (pâtés de maisons) et il ne faut pas les sous-estimer. Notre première journée a beau être riche en découvertes, les 25 kilomètres parcourus nous valent tout de même quelques ampoules. Mais puisqu’effort et réconfort ne sont jamais bien éloignés, on décide de faire confiance aux Cahiers Vagabonds en suivant leurs recommandations culinaires. Nous profitons des Happy Hours pour découvrir les excellentes et rafraîchissantes bières artisanales du bar Chin Chin. Vient ensuite le temps de déguster nos premiers empañadas argentins. Nous passons sous le porche d’une minuscule échoppe sur-décorée et désorganisée où l'on peut lire en grandes lettres El Gauchito. On se dirige vers sa vitrine alléchante sous les regards fiers et approbateurs des deux hommes qui nous accueillent. On compte 8 petits chaussons de pâte aux fourrages différents. Nous n’hésitons pas longtemps avant de commander un exemplaire de chacun de ces 8 empañadas qui s’avèrent tous succulents. Le chef exprime une préférence bien marquée pour le traditionnel empañada à la viande mais il y en a vraiment pour tous les goûts. On s’amuse d’ailleurs à y retrouver les influences françaises et italiennes présentent dans l’architecture de Buenos Aires ; à nous les empañadas napolitains et goût roquefort !
Puerto Iguazu - Buenos Aires : Car de la compagnie Crucero del Norte, option semi-cama, 38 € pour 20h de trajet
Granados Hostel : 5 € par personne et par nuit
Bar Chin Chin : Happy Hours dès 18h, pinte à 70 $AR
El Gauchito : Empanada 50 $AR l’unité
La Boca, des couleurs en demi-teintes
Ce quartier se situe à deux pas de celui de San Telmo mais n’en possède malheureusement pas la même réputation. D’un côté, il est le décrit comme étant l’un des lieux les plus pauvres et dangereux de la ville. De l’autre, il fait partie des endroits les plus visités de la région.
Comment expliquer un tel paradoxe ? La réponse est entre les mains d’un peintre argentin nommé Benito Quinquela Martin. Habitant de la Boca, il aurait décidé dans les années 50 de peindre certaines façades du quartier afin de le redynamiser. C’est pourquoi Caminito, l’avenue la plus célèbre du quartier, est aujourd’hui si haute en couleur. L’intention est louable et nous sommes impatients d’en découvrir le résultat. Mais le projet ne semble malheureusement pas porter ses fruits et l’esthétisme des rues ne nous rend pas dupe. En dehors de trois rues bondées de voyageurs curieux qui disposent d’une vingtaine de minutes pour prendre un maximum de photos avant de s’échapper en car, le reste n’est que superposition de cabanes de tôles dans des rues fades et désertes. Et comment leur nous en vouloir quand on entend les argentins dire qu’eux-mêmes ne s’éloigneraient pas des rues principales passée une certaine heure ? Le dynamisme tant attendu est bien présent, mais on peine à croire qu’il améliore le quotidien des populations locales. Le tango de rue sonne faux et les danseuses sur-maquillées tentent par tous les moyens de poser aux côtés d’hommes gênés afin de leur en faire payer le souvenir …
A quelques mètres d’ici, les passionnés de football ne manqueront pas l’occasion de se rendre à la Bombonera, chef-lieu du club argentin Boca Juniors qui révélé la légende du football Diego Maradona. Nous y étions un jour de match et n’avions jamais vu tant de gens vêtus de jaune et bleu.
Nous dressons de La Boca un bilan coloré à l’arrière-goût clair-obscur et rentrons à pied au cœur d’un quartier qui attendra sans doute encore longtemps sa re-dynamisation.
Puerto Madero, le poumon vert de Buenos Aires
Situé aux abords de la côte atlantique, voilà un quartier qui regorge de surprises. A l’heure où les capitales ont tendance à privilégier les constructions aux espaces verts, Buenos Aires peut se vanter de posséder une réserve naturelle de 350 hectares : la Reserva Ecologica Costerna Sur. Elle se situe à l’extrémité de Puerto Madero et offre à ses visiteurs des kilomètres de promenades, de nombreux circuits sportifs et de grands espaces de pique-nique. En enjambant quelques feuillages, on peut également y observer les pêcheurs depuis les berges du Rio de la Plata.
Jumelles à la main, nous sommes au royaume des adeptes d’ornithologie. Tandis que les plus petits oiseaux nous survolent, les plus larges se pavanent les pieds dans l’eau. Nous apercevons des hérons, de grandes aigrettes d’un blanc éclatant ainsi des Kachimi à collier, surnommés « coqs sacrés des pampas ». Sans compter toutes les espèces que nous ne savons nommer. Un mouvement soudain attire notre regard sur un lézard particulièrement trapu … on apprendra plus tard qu’il s’agit d’un tégu d’Argentine. Adulte, ce reptile peut mesurer plus d’un mètre et peser jusqu’à 10 kg … une belle bête !
Tout au long du chemin, nous sommes animés par le contraste marquant des buildings qui se dressent à l’horizon et de la densité de végétation dans laquelle nous évoluons. Il nous est presque impensable d’imaginer que dans quelques pas, le bruit des moteurs remplacera le doux chant des oiseaux.
Palermo, art, fête et liberté
C’est dans ce quartier que nous décidons de passer la seconde partie de notre séjour. Gardez en mémoire que Buenos Aires est immense et que le choix de votre hébergement peut être un gain de temps précieux lors de vos visites. Nous voilà donc bien installés au Holy Hostel où nous faisons la rencontre de Kuen, un hollandais avec qui nous dégustons nos premières bouteilles de Malbec entre deux parts de pizza. Le Malbec est un vin rouge argentin dont l’importance s’apparente au cidre dans le cœur d’un breton. Mais on y reviendra plus tard car nous prévoyons de rejoindre Mendoza d’ici quelques semaines afin de découvrir en profondeur la région de ce célèbre cépage.
Beaucoup de voyageurs dont nous croisons le chemin sont à la fin de leur voyage. Ils sont adorables et nous lèguent matériel et bons conseils. C’est notamment le cas de Audrey et Nicolas avec qui nous partons à la recherche d’un bar secret qui possède un nom à 4 chiffres avant de se régaler au restaurant Green Bamboo.
Le quartier de Palermo c’est avant tout le chef-lieu du street art. Les rues regorgent d’œuvres en tous genres. Je me découvre un petit faible pour les collages mais ici absolument tout attire le regard. Nous surprenons même des gens à peindre des publicités de téléphones mobiles sur les murs en pleine journée ou encore à décorer des façades de boites de nuit. On sent que c’est dans la culture car en dehors de quelques voyageurs nouvellement arrivés, personne ne semble s’en préoccuper.
Mais revenons à nos moutons. Cette auberge nous l’avions choisie pour sa proximité avec des restaurants de viande argentine réputés que nous vous recommandons. Les petits budgets trouveront leur bonheur dans l’immense salle de Las Cabras. On y mange sur le pouce, copieusement et à toute heure. Notre viande favorite s'y nomme « lomo de bife ». En revanche si vous souhaitez investir un peu plus dans une viande de qualité il vous faudra faire la queue en soirée devant l’enseigne de La Cabrera. On se souviendra longtemps de notre « ojo de bife » et l’ambiance un peu plus chic ravira sans doute celles et ceux qui voudraient célébrer une occasions (ou simplement se faire plaisir, à notre image).
Holy Hostel : 6/7 € par personne et par nuit
Las Cabras : 9 € pour 400g de viande, un accompagnement et une boisson (par personne)
La Cabrera : 16 € pour un apéritif, 400g de viande, une grande quantité d’accompagnements, deux verres de Malbec (par personne)
Recoleta, la contemporaine
Ici se trouve un quartier un peu plus huppé que les autres. Nous l’avons visité avec Lars, un allemand de passage dans notre auberge. On y observe des espaces verts bien entretenus, des édifices à l’architecture digne des plus jolies rues parisiennes ainsi que de nombreux musées et centres culturels.
L’attraction qui draine le plus de monde est le cimetière de Recoleta. A l’image du quartier, il s’agit d’un lieu distingué où chaque pierre tombale se laisse admirer dans les moindres détails. De toute évidence la majorité des caveaux appartiennent à des familles plutôt aisées. Il semble s’agir exclusivement d’artistes, de militaires ou encore de personnages politiques majeurs. On y découvre la tombe d’Eva Perrón, surnommée Evita, qui fût première dame d’Argentine dans les années 50. Elle a joué un rôle crucial dans l’évolution sociale de l’Argentine pour que le pays possède les atouts qu’on lui connaît aujourd’hui. Elle a œuvré pour le droit de vote des femmes, l’égalité matrimoniale, la mise en place de bourses d’études et d’aides au logement, la création d’hôpitaux et j’en passe. Nous reviendrons par la suite sur le ressenti des argentins à l’égard de cette politique, puisque nos longues heures d’auto-stop à travers le pays nous ont beaucoup appris.
C’est également dans ce quartier que vous pourrez admire Floralis Genérica, l’œuvre d’Eduardo Catalano. Faite d’acier et d’aluminium, cette sculpture mobile mesure 20 mètres de haut et ses immenses pétales s’ouvrent chaque matin et se referment chaque soir. Elle représente l’espoir qui renaît dans chaque nouvelle journée.
Retiro, au cœur de l’histoire argentine
Pour notre dernier jour à Buenos Aires, nous décidons de prendre part à un Free Walking Tour. On l’a souvent dit et on le répète, il s’agit d’un excellent moyen de découvrir l’histoire, la culture et l’organisation d’une ville. D’autant que Retiro est ici réputé comme étant le centre historique de la capitale argentine. On y retrouve quelques-uns des édifices majeurs de la capitale tels que le Congrès, la mairie, la cathédrale ou encore la Maison Rose. Cette dernière que l’on nomme ici « Casa Rosada » n’est autre que le siège du pouvoir exécutif argentin. La capitale héberge également le fameux « kilomètre zéro », duquel nous allons bientôt nous éloigner en faisant route vers le sud du pays. Sa position est sujette à conflits mais il s’avère qu’un monolithe a spécialement été érigé pour le positionner. Celui-ci se trouve dans le parc à l’arrière du Congrès qui subit actuellement quelques travaux de rénovation.
Nous passons devant le très controversé Café Tortoni qui ne serait peut-être pas le café le plus ancien de Buenos Aires d’après les dires de certains … La confusion à ce sujet n’empêche pas sa célébrité et nous déciderons d’opter pour un lieu moins bondé afin de profiter d’un bon petit déjeuner. C’est donc dans le café Los Galgos que nous dégustons notre premier Chocolatada (chocolat chaud maison) accompagné d’un Alfajor (énorme macaron fourré au dulce de leche) et d’un budín (sorte de banana bread parsemé de dulce de leche). Non loin d’ici, se trouve probablement la plus belle librairie de la capitale, El Ateneo, où des milliers d’ouvrages ont pris place au cœur d’un ancien théâtre.
Cette semaine à Buenos Aires est passée à une vitesse folle. Des visites à n’en plus finir, des rencontres intéressantes, des soirées épicuriennes et une diversité marquée par une organisation de quartiers qui a su nous séduire.
Nous faisons à présent route vers le sud. On aimerait rallier Buenos Aires à Ushuaia en auto-stop, tout en prenant le temps de visiter une partie de la côte atlantique.